Il m’est souvent arrivé de me promener dans des champs de fleurs. Je connais très peu de choses sur les fleurs. J’ignore leurs noms. J’ignore aussi leurs caractéristiques.
Un jour j’ai essayé d’avoir une fleur chez moi. Mais je voulais ma propre fleur. J’ai pris le temps de choisir le pot. Il y avait beaucoup de choix. Et finalement les pots se ressemblent beaucoup. On peut apprendre à les connaître avant de se prononcer, mais le fondement de ce lien se crée lorsque nous l’avons choisi. Il faut aussi que le pot nous choisisse. Ces histoires-là ne peuvent pas fonctionner dans un seul sens.
Une fois le pot choisi, j’ai dû choisir l’endroit où j’allais planter la graine. J’étais tiraillée entre la planter dehors pour qu’elle puisse s’épanouir au grand air, ou la mettre à l’intérieur, près de moi.
Je suis quelqu’un de logique. J’ai donc suivi ma logique pour prendre cette décision, et ai demandé au pot ce qu’il en pensait. Car après tout, il était tout autant important que moi dans cette démarche. Le pot m’a tout de suite dit qu’il trouvait l’extérieur trop vaste pour lui seul et préférait rester à l’intérieur.
Après avoir choisi le pot avec soin et choisi le lieu, nous devions choisir la graine. Cette tâche était de loin la plus facile pour le pot et moi. Nous sommes rapidement tombés d’accord pour dire que la graine avait peu d’importance. Finalement la fleur qui en émanerait était l’enveloppe externe, et tant que nous l’avions choisie avec amour, nous l’aimerions.
J’ai choisi le pot, nous avons choisi le lieu où la planter et nous avons choisi une graine. Il était temps de se lancer. À partir de ce moment-là, tout est allé très vite. Les prémisses de la fleur poussaient la terre pour se montrer. Je parlais tous les jours au pot, qui vivait cette création de l’intérieur. C’était la première fois pour ce pot qu’il vivait cette expérience. Il ne savait pas quoi en penser, il ne savait pas si ce qu’il se passait était normal. Le pot était juste ravi de voir la beauté de la nature s’épanouir en lui. Et si le pot était ravi, j’étais ravie aussi.
Et un jour, un jardinier est venu nous voir et nous a dit que la fleur n’allait pas éclore. Comme c’était un vrai jardinier, avec un tablier, des bottes et tout ce qui va avec, nous l’avons tout de suite cru. Le pot était surpris par cette annonce. Pendant quelques jours, il ne parlait plus beaucoup avec moi et je savais qu’il était triste. Je le connais le pot. Alors je l’ai laissé quelques jours tranquille, et j’ai profité aussi pour faire un deuil de cette petite graine. Moi ce que j’en ai tiré, c’est que le pot et moi on avait réussi à faire germer une graine. Nous n’avions pas réussi à faire pousser une fleur, mais la graine avait germé, et ça c’était une victoire.
Le jour est arrivé où le pot a dû se séparer de la graine. Moi je ne pouvais pas vraiment l’aider, c’est lui qui avait la graine. Je n’ai jamais vu le pot aussi triste que ce jour-là. Mais un pot, même fissuré, peut réussir à faire pousser une fleur, j’en suis sûre. Et je n’ai pas choisi ce pot par hasard.
Le pot a voulu rester tout près de la graine pendant de longues minutes. Même si elle n’avait plus besoin de nous, le pot avait encore besoin d’elle quelques instants. Le temps que le sentiment de l’abandonner diminue.
À notre fleur d’octobre, même si un jour le pot et moi faisons un champ de fleurs, nous ne t’oublierons pas. Tu n’as pas été aussi grande que les autres fleurs, mais tu as été tout aussi importante.